Local et végétal doivent aller de pair

Auteur - Martin Quirion

Lorsqu’il est question de changements climatiques, on pense surtout aux énergies fossiles et au secteur des transports. On souscrit donc vite à l’idée de consommer des produits locaux qui n’ont pas voyagé depuis l’autre bout du monde. Et bien sûr, faire la promotion des aliments d’ici représente une position populaire pour les politiciens.

Le locavorisme est bénéfique à bien des égards. Il aide à souder les communautés et à encourager les petits producteurs locaux, entre autres. Toujours est-il que les données réfutent son bienfait le plus évident : « manger local » diminue à peine l’empreinte carbone.

En effet, parmi l’ensemble des émissions de GES associées à la production alimentaire, celles imputées au transport ne représentent qu’une petite fraction. La distance parcourue entre le lieu de production et le point de vente compte pour moins de 6 % des émissions du secteur agroalimentaire. La raison est simple : pendant la plus grande partie de l’itinéraire, ils sont transportés par bateau, le mode de transport le moins polluant.

Voilà qui explique comment il est possible que, même au mois de janvier au Québec, un régime 100 % végétal incluant des aliments importés est associé à moins de GES qu’une alimentation 100 % locale qui inclut des produits animaux.

Il est vrai que les aliments transportés par voie aérienne émettent beaucoup plus de GES, mais ceux-ci ne représentant qu’un maigre 0,16 % de tout le transport alimentaire.

À l’exception des produits transportés par avion, la saisonnalité revêt plus d’importance que le pays d’origine. La plupart des aliments peuvent être cultivés à certaines périodes de l’année seulement. En vue de répondre à la demande constante des consommateurs, on peut offrir des fruits et des légumes hors saison en les important de pays où ils sont de saison, ou bien en utilisant des méthodes énergivores pour les produire (p. ex. les serres) et les conserver (p. ex. la réfrigération) localement mais hors saison.

L’ironie est que ces entrées énergétiques font souvent augmenter le bilan des émissions plus que l’importation d’un autre pays. Selon une analyse menée par des chercheuses suédoises, les tomates de serre locales nécessitent 10 fois plus d’énergie que l’importation de tomates de saison provenant du sud de l’Europe. Une autre étude dévoilait que l’importation de laitue espagnole au Royaume-Uni pendant l’hiver produisait trois à huit fois moins d’émissions de GES que la production locale. 

Il n’y a pas que le transport qui compte pour peu dans le bilan. D’autres étapes comme la transformation, l’emballage et la mise en vente sont elles aussi responsables d’une très petite proportion des émissions. Pour la plupart des aliments, plus de 80 % de leur empreinte est attribuable à la production, deux exemples étant le changement d’affectation des terres (p. ex. la déforestation) et les divers processus à la ferme (p. ex. l’épandage des engrais).

Le bilan du bœuf et de l’agneau demeurera toujours plus élevé que celui de toute autre catégorie d’aliments, parce que le transport ne représente que 1 % des émissions de leurs GES. C’est donc le simple choix de ces viandes rouges, locales ou non, qui fait grimper l’empreinte environnementale de notre assiette.

Il en va de même pour les tendances alimentaires dans leur ensemble. Les résultats d’une étude européenne parue en 2018 indiquaient que le transport des aliments n’était responsable que de 6 % des émissions liées à l’alimentation moyenne, tandis que 83 % de l’empreinte était imputée à la viande, aux œufs et aux produits laitiers. Des chercheurs aux États-Unis ont calculé qu’en remplaçant 15 % des calories du bœuf et des produits laitiers par du poulet, du poisson, des œufs ou des options végétales, l’Américain moyen peut réduire plus efficacement ses émissions de GES qu’en achetant tous ses aliments auprès de sources locales sans modifier le contenu de son assiette.

Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, un aliment provenant de très loin n’est pas forcément moins écologique qu’un produit local. Les sources d’émissions de GES de l’industrie agroalimentaire ne sont pas dominées par le secteur des transports, mais par les ruminants, les fumiers, les fertilisants et la déforestation. C’est le choix de l’option végétale qui, écologiquement parlant, est le pari gagnant à coup sûr ou presque. Idéalement, les fruits, légumes et céréales seront de saison. S’ils sont locaux en plus, toutes les cases seront cochées.

Bref, « manger local », c’est bien. « Manger plus végé et local », c’est beaucoup mieux.

*Cet article de blogue est un extrait adapté du livre « Végécurieux : 12 bouchées scientifiques pour prendre goût à l’alimentation végétale » par Martin Quirion

Les tomates ont un faible impact environnemental, nécessitant moins d'eau et de terre que d'autres cultures, et ayant une faible empreinte carbone si cultivées localement.

Mangez plus végé

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